Chapitre 4

Kamila Ivanov souriait insolemment au métamorphe qui tenait le bar du Pénombre. Bien que noyée dans la foule de vampires qui l’entouraient, elle voyait parfaitement le regard noir qu’il lui adressait et elle s’en réjouissait. Cet abruti avait cru pouvoir la priver d’un nouveau verre d’hydromel. Il avait prétendu qu’elle semblait déjà assez affectée par la magie des faes après cinq verres pour continuer à en boire. Il lui avait sorti comme excuse que le propriétaire des lieux avait pour règle d’interdire toute consommation d’hydromel aux surnaturels qui commençaient à développer une dépendance. L’alcool des faes était bien plus puissant que n’importe quelle autre boisson. Il était le seul à avoir le pouvoir de troubler l’esprit d’un surnaturel en quelques gorgées seulement. Alors le Pénombre régulait bien plus sa consommation que celle des autres alcools. Cependant, pour Kamila, cela n’était pas assez.

À chaque verre, elle avait la sensation que l’effet durait de moins en moins longtemps. Cela était sans doute dû à sa dépendance au sang de junkie contre laquelle elle luttait depuis des décennies. Son esprit avait dû développer une certaine résistance à l’envoûtement des faes. Ou alors c’était sa nature de vampire qui court-circuitait le bien-être que l’hydromel lui apportait. Les membres de son espèce étaient habitués à hypnotiser les autres. C’était l’un de leurs pouvoirs pour s’abreuver sans résistance, alors leur esprit était imperméable à ce genre de pouvoir. En temps normal en tout cas. Voilà pourquoi, si elle voulait continuer à flotter dans ce petit nuage qui la protégeait de toutes ses émotions et de sa douleur, il lui en fallait toujours plus.

—  Encore, ordonna-t-elle en tendant la main.

Aussitôt, on lui tendit un verre. Le vampire à la crinière de feu qui lui présenta sa boisson lui adressa un sourire enjôleur auquel elle ne prêta aucune attention. Portant la coupe à ses lèvres, elle laissa le solitaire l’approcher. À son arrivée, la plupart des vampires des lieux avaient immédiatement senti son sang royal. Certains avaient tenté de la draguer pour espérer tirer un coup avec une princesse, mais le sexe était loin d’intéresser la jeune femme. Ce n’était pas cela qui apaiserait la souffrance qui déchirait son âme. Par ailleurs, elle savait ce que désiraient vraiment ces solitaires. Les vampires étaient attirés par les royaux pour une seule chose : leur sang. La force et le pouvoir qui gorgeaient leur veine avaient la capacité de les rendre plus forts. Alors certains étaient prêts à tout pour avoir l’opportunité d’en boire ne serait-ce qu’une lampée. Kamila en était parfaitement consciente et se servait de cela pour assouvir ses propres besoins.

À chaque verre qu’on lui offrait, elle se laissait mordre. C’était son paiement pour remercier les vampires qui lui permettaient de continuer à fuir le vacarme dans son cœur et dans sa tête. Et bien qu’habituellement les royaux n’offraient pas leur veine de cette façon puisque cela avilissait leur rang, la princesse n’avait plus rien à perdre.

Fermant les yeux, Kamila savoura le goût mielleux de sa boisson tandis que le vampire qui la lui avait apportée plantait ses crocs dans sa gorge. Son épiderme était déjà ravagé par des morsures, mais ce vampire n’y prêta aucune attention. Lui aussi voulait sa portion de sang bleu. Il en voulait même plus si Kamila se fiait à ses mains baladeuses sur son cul. Le solitaire s’était pressé contre elle et jouait des hanches au rythme de la musique pour tenter de l’exciter. Il la mordait de plus en plus fort, tentant de la faire réagir. Ce n’était pas le premier qui lui faisait un tel numéro. La jeune femme avait perdu le compte du nombre d’hommes qui lui avaient offert de l’hydromel dans l’espoir de s’attirer ses grâces. Ils espéraient sans doute qu’étant donné son état d’esprit, elle serait disposée à coucher avec l’un d’entre eux.

Seulement, le sexe n’était pas quelque chose qui intéressait Kamila. Cela faisait plus de quatre cents ans qu’elle n’avait pas ressenti le moindre désir d’ailleurs. Son corps était tout aussi brisé que son esprit. Sentir les mains d’un homme sur elle la rebutait pour tout dire. Si elle autorisait ces solitaires à l’effleurer pour la mordre, c’était uniquement parce qu’elle avait besoin de ce qu’ils offraient. De ce que l’hydromel lui permettait de fuir. Mais même ça ce n’est pas assez fort pour me faire oublier son regard, regretta Kamila, ne parvenant pas à effacer la raison qui l’avait poussée à tenter d’annihiler ses émotions à coup d’hydromel.

Elle avait merdé… Kamila s’était juré ces derniers siècles que son addiction pour le sang de junkie ne la forcerait jamais à trahir de nouveau Dragomir. Son frère était son patriarche et le seul qui s’était préoccupé d’elle au palais. Puisqu’elle n’était pas l’aînée de sa fratrie, Kamila n’avait pas reçu la même attention que Dragomir. En réalité, elle n’en avait reçu aucune. Pendant les premières centaines années de sa vie, elle avait été invisible aux yeux des autres. Ses parents et la majorité des serviteurs n’avaient jamais prêté attention à ce qu’elle désirait ou ce qu’elle aimait. Tout le palais n’avait d’yeux que pour Dragomir car, plus l’héritier brillait et devenait fort, plus la lignée Ivanov prospérerait.

Enfant, elle avait été jalouse de l’amour que recevait Dragomir. Elle avait tenté d’attirer l’attention de ses parents et du palais, détestant se retrouver en permanence dans l’ombre de son frère. Seulement, on lui avait très vite fait comprendre qu’elle n’avait pas le droit de désirer une telle chose. Le destin du deuxième né dans une famille de royaux était de servir l’héritier. Il existait pour le protéger et le soutenir en toutes circonstances. Ses désirs, ses aspirations et sa vie ne pouvaient tourner qu’autour du futur roi de la maison. Cette tradition avait failli pousser Kamila à haïr Dragomir. Elle détestait son rang d’héritier qui la contraignait à une existence dans son ombre. Néanmoins, la vampire n’avait jamais pu mépriser son frère.

Dragomir était le seul au palais qui s’était réellement soucié d’elle, le seul qui avait été fier de la voir devenir une guerrière aguerrie et qui l’avait sincèrement aimée. C’était parce qu’elle savait que Dragomir serait toujours à ses côtés que Kamila s’était résignée à son destin. Elle ne pouvait s’empêcher de continuer à montrer à ses parents qu’elle était aussi forte et féroce que son frère, mais elle avait toujours su au fond d’elle que cela était peine perdue. Elle était née en second et les traditions étaient immuables. Alors, elle avait pris l’habitude de vivre dans l’ombre de l’héritier. Tant qu’elle avait eu son frère à ses côtés, elle avait cru pouvoir accepter le rôle que la déesse de la lune lui avait attribué.

Toutefois, les choses avaient commencé à changer lorsque Dragomir avait ramené leur petit frère au palais. Kamila avait vu son aîné se mettre à son tour à l’ignorer pour concentrer son attention sur Andréas. Elle avait tenté de se montrer compréhensive. Après tout, Andréas était également son frère et sa naissance avait été chaotique. Cependant, lorsque Dragomir avait failli quitter le palais pour lui, la vampire avait compris qu’elle risquait de perdre la seule personne qui la voyait vraiment. Celle qui ne la considérait pas seulement comme le suppléant de l’héritier. Ce jour-là, elle s’était juré de tout faire pour garder l’attention de son aîné. Elle l’avait aidé à accéder au poste de patriarche en éliminant leur père, elle était devenue son plus fidèle et féroce soldat et était même allée jusqu’à passer cent ans de servitude auprès d’un sorcier pour lui. Kamila avait espéré que Dragomir comprendrait que personne, pas même Andréas, ne pourrait lui être aussi fidèle.

Simplement, tout cela avait fini par se retourner contre elle. Et, après tant de siècles à tenter de conserver l’amour de Dragomir, elle l’avait perdu il y a deux jours… Son addiction… Celle qu’elle avait développée après les cent ans qu’elle avait passés chez James Pendle lui avait coûté le respect et l’amour de la seule personne qu’elle chérissait. Kamila ignorait comment elle avait rechuté. Cela faisait cinquante ans qu’elle était complètement sobre. Elle n’avait pas touché à la veine d’un seul junkie pour apaiser la culpabilité de Dragomir qui s’en voulait de l’avoir laissée avec James.

Seulement, il y a trois jours, elle avait sombré. Quelqu’un lui avait servi un verre de sang et dès la première gorgée, elle avait faibli. Son cerveau avait court-circuité et elle ne s’était rendu compte que trop tard des dégâts qu’elle avait causés. Elle avait remis en question l’autorité de son patriarche et l’avait insulté… Cette crise avait été plus violente que toutes les précédentes. À un tel point que Kamila avait été terrifiée que Dragomir l’abandonne. Le retour d’Andréas dans leur vie l’avait fait douter de l’amour de son patriarche et elle avait été prête à tout pour le regagner. C’était là qu’avait été sa deuxième erreur. Celui qui lui avait servi le verre de sang de junkie s’était servi de la faille que son addiction créait dans son esprit pour la manipuler. On l’avait hypnotisée pour lui faire croire que pour récupérer l’attention de Dragomir, elle devait livrer les deux solitaires de Nightfall à James. Et bien qu’elle ait été terrifiée de se retrouver dans la même pièce que James sans Dragomir à ses côtés, elle avait obéi. Elle avait piégé Devika et Roxie… S’attirant les foudres de ses frères.

En se souvenant de la froideur avec laquelle Dragomir et Andréas l’avaient traitée devant le coven de James, Kamila sentit sa poitrine la lancer. On avait utilisé son addiction pour la pousser à trahir Dragomir et celui-ci l’avait rejetée à cet effet. Il lui avait demandé de s’en aller et c’était ce qu’elle avait fait. Kamila avait envoûté le premier humain qu’elle avait trouvé pour s’éloigner des Ivanov. S’éloigner de la Roumanie et de Dragomir. Il était clair qu’elle était davantage un poids pour lui qu’autre chose depuis son retour de son siècle de servitude. Et à présent qu’il avait récupéré Andréas, il n’avait plus besoin d’elle… Elle se retrouvait seule… Complètement seule à devoir gérer le vacarme dans son esprit et son cœur…

Vidant sa coupe d’une traite, Kamila repoussa virulemment le vampire qui continuait à se frotter contre elle, tentant de la séduire. Celui-ci émit un grognement irrité lorsqu’elle jeta à ses pieds son verre vide et détourna le regard comme s’il n’existait pas.

—  Un autre, souffla-t-elle à la foule de vampires qui l’encerclaient.

Elle avait besoin de l’hydromel pour étouffer ce qu’elle ressentait. Pour apaiser son cœur qui saignait à l’idée d’avoir tout perdu. D’être encore cette vampire invisible qui ne comptait pas pour les Ivanov. Quelque part, Kamila savait que son destin était mérité. Après tout ce qu’elle avait fait pendant son siècle de servitude chez James… Elle méritait d’être abandonnée par Dragomir. Simplement, la jeune femme n’arrivait pas à l’accepter. Son esprit était déjà hanté par ses souvenirs lorsqu’elle n’était pas sous l’influence du sang de junkie. Alors elle ne pouvait supporter d’avoir le cœur brisé à l’idée que sa seule famille la rejette. Récupérant la coupe qu’un nouveau solitaire lui tendait, elle repoussa sa crinière dorée pour dégager son autre épaule. Elle s’apprêtait à le laisser la mordre jusqu’à ce qu’elle vide sa coupe, mais une main ferme s’enroula autour de son bras.

—  Pas si vite, royale ! s’emporta le rouquin qu’elle venait tout juste de repousser. Je t’ai offert ce que tu désirais plus d’une fois ! Je suis celui qui t’a obtenu le plus d’hydromel !

—  Et tu as eu ce que tu désirais en échange, non ?

Roulant des yeux avec condescendance, Kamila se détourna de lui. Les solitaires étaient vraiment la pire des races. Ils n’avaient aucune manière. Aucune classe. Et je suis l’une d’entre eux à présent… Cette réalité affecta la jeune femme qui porta son verre d’une main tremblante d’émotion à ses lèvres. Elle était une solitaire… C’était officiel à présent puisque Dragomir lui avait demandé de partir. Et, contrairement à Andréas, il ne l’avait pas fait pour la protéger. Kamila avait vu l’affection que son frère portait à la sorcière qu’elle avait livrée à James en même temps que cette humaine dirigeant Nightfall. Dragomir s’était épris d’elle. Et compte tenu de sa panique lorsqu’il l’avait rejointe devant le coven de James, il la considérait comme sa compagne. Il ne lui pardonnerait jamais de l’avoir livrée au sorcier tout en sachant que ce type était un monstre…

Déglutissant bruyamment, Kamila vida sa coupe pour ravaler sa peine et ses larmes. Tant pis. Au moins, elle était libre à présent. Libre des Ivanov, des traditions et de la nécessité de rester sobre pour ne pas blesser les siens. À présent, elle pouvait se laisser sombrer autant que cela lui serait possible pour fuir sa douleur.

—  Dégage, mon pote, lança le blond qui lui avait offert sa nouvelle coupe. C’est mon tour maintenant. Tu n’as pas réussi à l’attirer dans ton lit, alors lâche l’affaire.

L’expression mi-contrariée mi-humiliée du rouquin fit éclater de rire Kamila. La magie des faes faisait enfin de l’effet sur son esprit parce qu’alors que la tension s’accentuait autour d’elle parmi les vampires, elle sentit son corps se détendre. Son esprit se ferma à ses émotions et elle se sentit vide. Délicieusement vide. Sachant que cela n’allait pas durer bien longtemps puisque l’hydromel l’affectait bien moins qu’avaler des litres de sang junkie, Kamila se laissa porter par le moment. Passant sa main sur sa robe crème éclaboussée par son propre sang, elle se mit à suivre le rythme de la musique. Les yeux mi-clos, elle vit le rouquin et l’autre vampire commencer à se disputer et se battre, mais elle n’y prêta aucune attention. Son verre toujours à la main, elle se déhancha sur la piste de danse et laissa la magie des faes brouiller complètement son esprit.

À un moment donné, elle percuta un couple et ne trouva pas la force pour garder l’équilibre. Basculant sans aucune classe par terre, Kamila éclata de rire. En fin de compte, l’hydromel surpassait peut-être le sang de junkie. Il suffisait simplement d’en boire beaucoup. Dommage que la fae qui travaillait ici soit partie, pensa-t-elle ayant entendu cette rumeur au bar plus tôt dans la soirée. Avec sa magie, Kamila aurait sans doute pu profiter d’un effet bien plus prolongé. Un sourire béat sur les lèvres, la princesse Ivanov demeura un instant affalée à même le sol poisseux du club, les yeux rivés sur le plafond. Elle avait déjà passé plusieurs heures dans cet endroit et c’était la première fois qu’elle remarquait les moulures au plafond… C’était très distingué. Kamila aimait la sculpture. Elle trouvait magnifique de pouvoir transformer un bloc de pierre terne et brut en quelque chose de plus délicat et élégant. Distraitement, la vampire tendit la main vers le plafond pour suivre du bout des doigts les formes des moulures. Son entreprise fut cependant interrompue par une imposante silhouette qui lui boucha la vue.

—  C’est pas vrai, l’entendit-elle soupirer avant de la voir s’accroupir à ses côtés.

Les lumières du club éclairèrent les traits anguleux du métamorphe qui attirèrent une seconde l’attention de la jeune femme. Les vampires n’aimaient pas les métamorphes. Ils les considéraient comme des animaux incapables de contrôler leurs pulsions et leurs émotions. La preuve étant qu’à la moindre contrariété, ils se transformaient. Simplement, la princesse devait reconnaître que, pour des animaux, ils n’étaient pas dégueu à regarder. Cela devait sans doute être l’effet de l’hydromel, mais Kamila se surprit à mater le blond qui la dévisageait, sourcils froncés.

Ce métamorphe était imposant. Certainement autant que la majorité d’entre eux, mais il y avait quelque chose chez lui qui le rendait plus viril. Ses larges épaules et ses biceps impressionnants dégageaient une aura de pouvoir qui la fit frissonner. Un instant, elle se demanda si ce type pouvait être un alpha. Seuls les leaders nés parmi les métamorphes dégageaient un tel pouvoir. Seulement, Kamila se défit très vite de cette idée. Aucun alpha ne quittait sa meute. C’était leur devoir de protéger les leurs. Par ailleurs, même si l’un d’entre eux l’avait fait, ce ne serait sans doute pas pour se retrouver videur dans un club pour surnaturels.

—  Tu t’es fait mal ?

La voix grave du métamorphe tira Kamila de sa rêverie et elle riva son attention sur son visage. Non, ce type n’était pas un alpha, c’était un Viking, pensa-t-elle face à la mâchoire carrée et à l’expression sévère, presque féroce, qu’il arborait. Kamila imaginait d’ailleurs très bien les pommettes rehaussées du surnaturel ainsi que son front large avec de la peinture de guerre. Un frisson la parcourut et elle se surprit à le trouver sexy. Il avait tout pour plaire. Le seul point négatif qui fit grimacer la princesse fut sa barbe. Kamila trouvait ce genre de chose dégoûtante et très peu raffinée.

—  Tu devrais la raser. Tu serais bien plus sexy sans, Viking, lâcha-t-elle sans même en avoir conscience en tendant la main pour enfouir ses doigts dans cet amas de poils.

Son geste plissa davantage le front du métamorphe qui soupira.

—  Comme je m’en doutais, tu es complètement stone.

Kamila ne comprit pas ce qu’il voulait dire par là. Bien sûr qu’elle était ivre. N’était-ce pas le but de tous les surnaturels qui terminaient dans ce club ? Perplexe, elle s’apprêtait à demander au métamorphe de lui dégager la vue. Elle avait envie d’admirer le travail de sculpture qu’on avait fait sur le plafond avant que le bien-être apporté par l’hydromel se dissolve. Mais la jeune femme n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche. Saisissant la main qu’elle avait toujours enfouie dans sa barbe, le Viking la souleva brusquement du sol. Kamila poussa un cri de surprise et sentit son monde vaciller lorsqu’elle se retrouva debout.

—  Pourquoi ils font tourner la pièce ? marmonna-t-elle pour elle-même, arrachant un nouveau soupir au Viking.

Ni une ni deux, Kamila se retrouva sur l’épaule du métamorphe qui se mit en route. Lorsque la piste de danse s’éloigna, la vampire ne put s’empêcher de hausser un sourcil en découvrant plusieurs des solitaires qui l’entouraient assommés par terre. Qu’est-ce qu’il leur était arrivé ? Le rouquin avait fini par s’énerver et les avait tabassés ? Non, lui aussi avait été battu. Kamila voyait même qu’il saignait abondamment du nez…

—  Désolé pour ça. J’ai essayé de l’approcher sans attiser la tension, mais tous ces vampires tournaient autour d’elle comme si elle était la dernière pâtisserie du boulanger à l’heure de pointe !

La voix grave du métamorphe attira l’attention de la princesse qui se demanda à qui il parlait. Pas à elle en tout cas puisqu’il la trimballait comme un sac à patates…

—  Ne t’en fais pas, ce club a connu plus d’une baston. Et puis, de toute façon, ils allaient déjà se battre. Cette emmerdeuse n’a fait qu’attiser leur désir de sang et de sexe toute la soirée… Elle ne s’est même pas rendu compte que plusieurs d’entre eux risquaient de se lasser qu’elle joue avec eux et l’attaqueraient pour son sang. Je te jure, elle est inconsciente… M’enfin bon, maintenant que tu es là, ça m’arrange. Vince m’a dit que vous pouviez rester dans son loft ce soir. Tiens, passe par là. Ça te mènera directement à l’appart du patron. Il n’est pas en ville ce soir, ça tombe bien.

Le patron ? Oh, Kamila reconnaissait enfin cette voix ! C’était celle de l’exaspérant barman qui refusait de la servir ! Et à l’évidence, il avait envoyé l’un des videurs s’occuper d’elle. Cette nouvelle irrita la vampire qui n’avait pas envie de quitter ce club. Elle tenta de se dégager de la prise du Viking, mais celui-ci grogna en la sentant bouger et referma davantage son bras autour de sa taille.

—  Je préfère aller directement à l’aéroport et retourner en Roumanie.

—  Dans l’état où elle se trouve, tu n’iras pas bien loin. Les humains vont se poser des questions s’ils te voient débarquer avec elle sur ton épaule. Et elle risque de hurler aussi… Si j’étais toi, j’attendrais qu’elle soit moins saoule pour partir pour Bucarest.

Le nom de cette ville tendit Kamila. Pourquoi est-ce que ce videur voulait l’emmener à Bucarest ?

—  Ne t’en fais pas, Vince en doit plusieurs à ton pote. Cela ne le gêne pas que vous créchiez chez lui ce soir. Il m’a juste demandé de te dire que s’il trouvait des boules de poils sur son tapis, il t’enverrait la facture du nettoyage !

Cette information agita d’autant plus Kamila. Elle ne connaissait qu’une seule personne vivant à Bucarest à qui un surnaturel aussi puissant que le royal tenant ce club pourrait en devoir une. Et imaginer un seul instant qu’il pouvait s’agir de lui la pétrifia de peur…

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